pommierLe Jeudi Saint, les chrétiens ont fait mémoire, même s’ils étaient empêchés de se rassembler pour le célébrer, de l’institution de l’Eucharistie. La situation présente nous interroge sur notre rapport à ce mystère et nous dit quelque chose de lui. Les célébrations partagées sur le Net vous ont été utiles, pour « garder un lien », mais chacun vit douloureusement le fait de ne pas être ensemble : les fidèles privés de la présence physique du Christ et de la possibilité de communier, les prêtres sans peuple à qui le donner. L’Eucharistie rassemble et fait l’Eglise, la communauté chrétienne ne peut naître, vivre et grandir sans elle. Nous en avons, je pense, fait l’expérience et creusé notre faim de partager avec nos frères le Corps du Christ. Peut-être participerons-nous autrement désormais à la messe, avec une ferveur renouvelée et, dans le cœur, une sincère action de grâce pour cet exceptionnel don de Dieu.

 

Ce manque nous a peut-être aussi fait retrouver le goût de la prière personnelle et du cœur à cœur avec Dieu, dans le silence. Avec Mario, assurant plus que nous ne le faisions même auparavant, l’ouverture de la collégiale chaque jour, avec l’adoration du Saint-Sacrement tous les après-midis, j’ai pour ainsi dire rattrapé le temps perdu à faire et à courir plutôt qu’à demeurer aux pieds du Maître. Plus de disponibilité pour Dieu, moins pour téléphoner aux uns et aux autres. Nous ne l’avons pas fait pour ne pas prendre le risque de froisser les inévitables personnes qui n’auraient pas reçu d’appel. Mais plus que jamais, depuis trente ans de sacerdoce, je ne me suis senti autant prêtre et curé, portant chacun de vous dans la prière. C’est un des textes qui ouvrent la liturgie du carême : « Entre le portail et l’autel, les prêtres, serviteurs du Seigneur, iront pleurer et diront : ‘Pitié, Seigneur, pour ton peuple’ » (Joël II 17). Là était et reste la place du prêtre, le service pour lequel il a donné sa vie, qu’il vous doit et pour lequel il aura à rendre compte.

Au jour où le Christ a institué le sacerdoce, non pour que le prêtre soit un animateur, un accompagnateur, mais un intercesseur, je tiens à dire à tous combien c’est dans ce silence que je vous rejoins et que se construit une communion autrement profonde que celle d’une amitié purement humaine, qui est réelle mais s’exprime d’une autre façon. A tous je souhaite de bonnes fêtes de Pâques et, avec Mario, vous remercie pour toutes les marques d’attention reçues et vous donne rendez-vous dès que possible pour communier ensemble au mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur.