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Saint Pierre de Morrone (pape Célestin V)

Après la mort de Nicolas IV, le 4 avril 1292, des rivalités familiales divisent le Sacré collège réuni à Rome pour lui trouver un successeur. Après deux ans d’impasses, le roi de Naples Charles II d’Anjou se rend lui-même à Rome pour hâter la fin du conclave. Sur le chemin du retour il s’arrête visiter l’ermite Pierre de Morrone et l’invite à écrire aux cardinaux pour les presser de faire leur choix. A la réception de la lettre, les cardinaux, élisent le vieil ermite le 5 juillet 1294. Charles II d’Anjou le convainc d’accepter et il est couronné dans la ville la plus septentrionale de ses états : l’Aquila le 29 août 1294.

Pierre de Morrone était né en 1209 ou 1210, onzième enfant d’une famille de paysans près de Sulmona. Entré chez les Bénédictins de Montagano, vers 1231 il opte pour la vie érémitique. Vers 1233/34 il est ordonné prêtre à Rome, après une formation rudimentaire. Vers 1235/1240 il s’installe sur le mont Morrone où il jouit d’une réputation de sainteté qui le pousse à se retirer encore plus loin. Il crée une confrérie érémitique approuvée par Urbain IV et confirmée par Grégoire X, dans l’orbite de l’ordre bénédictin. En relation avec les extrémistes franciscains, il accepte néanmoins un certain nombre de donations. Les « Célestins », adoptant l’habit et le mode de vie des Franciscains, s’organisent sur le modèle des cisterciens, avec chapitres généraux et abbé général. Pietro de Morrone se révèle un organisateur habile, il se rend au concile de Lyon II et ne dédaigne pas voyager en Toscane et à Rome. Mais en 1293 il s’était retiré dans son ermitage du Morrone, c’est là que le rejoint l’annonce de son élection. Le choix des cardinaux se révéla vite totalement irresponsable : le nouveau pape n’avait aucune expérience canonique ni du fonctionnement de la Curie, encore moins des problèmes ecclésiastiques et politiques auxquels la papauté avait à faire face. Sa culture était limitée : il comprenait mal le latin. Vaguement inspiré des élucubrations de Joachim de Flore, il était rentré à l’Aquila sur un âne et avait nommé douze cardinaux (comme les douze apôtres !) parmi lesquels de nombreux moines. Peut-être voyait-il dans les moines de sa congrégation l’ordre monastique de la fin des temps de Joachim de Flore.

Charles d’Anjou le contraignit à s’installer à Naples où la chancellerie pontificale était contrôlée par celle du roi. Le 18 septembre il nomme de nouveau douze cardinaux. Il rétablit les prescriptions de Grégoire X pour le conclave. Il accorde de nombreux privilèges à sa congrégation et accueille les Spirituels franciscains persécutés et les place sous sa tutelle comme « pauvres ermites et frères du pape Célestin ».

Il place des Célestins à la tête de prestigieux monastères bénédictins comme le Mont-Cassin d’où plusieurs moines partirent en exil.

A Naples, il se fait construire une cellule en bois dans le Castel Nuovo. Mais bien vite il s’aperçut que la tâche était au-dessus de ses forces et de ses compétences. Ayant consulté des canonistes qui lui confirmèrent qu’une démission était possible il résigna le 13 décembre 1294. Il dépose les insignes et les habits pontificaux et reprend son habit gris d’ermite. Sur place le 24 décembre, est élu Benedetto Caetani, qui prend le nom de Boniface VIII.

Certains opposants rejetant la légitimité de l’abdication, convainquent Pietro de Morrone de s’enfuir de sa cellule pour gagner la Grèce avec les « Spirituels » en fuite. Rattrapé il est conduit sur l’ordre du pape à Anagni d’où il est transféré à Fumone dans la campagne napolitaine où il est enfermé jusqu’à sa mort le 19 mai 1295.

Les opposants à Boniface VIII se feront les propagandistes de la thèse de l’illégitimité de l’abdication (Dante le placera même en enfer dans sa Divine Comédie : « Je vis et reconnus l’ombre de celui qui fit par vileté le grand refus. ») alors que le milieu des « Spirituels » développa des spéculations eschatologiques autour de la figure de Célestin V, pape angélique de la fin des temps.

Le 5 mai 1313 Clément V, sollicité par Philippe le Bel acharné à salir la mémoire de Boniface VIII, canonisa Pierre de Morrone (et non pas Célestin V...) dans la cathédrale d’Avignon, sa fête insérée au calendrier de l’Eglise au 19 mai en 1669 en fut retirée en 1969.

Benoit XVI et Celestin VIl fut utilisé par certains « théologiens » contestataires comme la figure du pape alternatif opposé à l’Eglise officielle. C’est ainsi qu’en 1968, un écrivain socialiste (Angelo Silone) lui consacre une pièce intitulée L’avventura d’un povero cristiano. Son corps fut l’objet d’une visite de Paul VI, qui alimenta les rumeurs sur sa possible démission, puis de Benoît XVI qui déposa même son pallium sur sa châsse retirée de la basilique de Collemaggio ruinée par un tremblement de terre, le 28 avril 2009.

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