JACQUES REVEL
Jacques naît à Draguignan le 26 mars 1734, fils de Jean-Baptiste Revel, notaire royal, et de Thérèse Lombard (mariés le 1er mars 1718), et donc frère du chanoine Pierre Revel.
Bachelier en droit civil et canonique, il obtient la prébende de prieur de St-Michel à Séranon (1761-1767) et la stalle de sacristain de Lorgues probablement par résignation de son frère en 1782. A l’époque de la Révolution, messire Revel est encore chanoine sacristain de la collégiale et remplissait depuis bien des années les fonctions curiales avec un zèle et un dévouement tout sacerdotal.
Le 28 mars 1789, tandis que la noblesse et le tiers-état se réunissaient de leur côté, eut lieu, à Draguignan, dans l'église des Dominicains, l'assemblée préparatoire du clergé de la sénéchaussée, dont l'évêque de Fréjus fut nommé président par acclamation. Deux jours après cette première séance, où fut votée la renonciation de tout privilège pour les biens ecclésiastiques en matière d'impôt, les membres du clergé procédèrent à la nomination des douze électeurs qui devaient choisir les députés de leur ordre à l'assemblée générale dont Jacques Revel, curé-sacristain de la collégiale de Lorgues.
Comme nombre de ses confrères, le chanoine Jacques Revel prêta en 1791 le serment d’adhésion à la Constitution civile du clergé décrété par l’assemblée nationale dans l’église où on chanta un Te Deum solennel après que chacun des chanoines et bénéficiers eurent prêté serment sur les évangiles (96% de jureurs dans le Var). Quand la condamnation romaine fut connue, messire Revel monta en chaire le dimanche suivant, 13 mai 1792, et répudia hautement le serment, jurant de sa soumission à l’Eglise (en fait, la condamnation de la Constitution civile du clergé signifiée par le bref Quod aliquantum du 21 mars 1791 était connue en France depuis mai 1791). La dernière signature du chanoine Revel sur les registres de la paroisse est apposée le 20 mars 1792 au bas d’un acte de baptême et la signature de Raynaud, curé apparaît dès le 7 mai 1792.
A peine rentré chez lui, ce 13 mai (un décret du 27 mai suivant ordonnera la déportation de tous les prêtres réfractaires), il reçut notification que les membres du district s’étaient réunis et allaient envoyer des sbires pour l’arrêter. Craignant de gagner sa ville natale où il ne manquerait pas d’être reconnu et d’inquiéter ses sœurs, il partit pour arriver au point du jour le lendemain à Villecroze où il aller frapper chez l’aubergiste, un certain Alexandre Granon (1747-1834), parent éloigné mais très lié à la famille Revel, qui l’accueillit dans l’ancien château où il s’était installé. Là, le chanoine fut l’objet de soins empressés quoique tenu à une clandestinité absolue. Lorsque des amis dans le secret venaient le prévenir d’une visite domiciliaire, on voyait l’aubergiste prendre sur ses épaules le vieux prêtre perclus d’infirmité pour le porter nuitamment en lieu sûr. Mais un jour où les soupçons s’accumulaient sur sa personne, il prit la résolution de le conduire à Lyon, ville vers laquelle ses valets faisaient remonter régulièrement des barriques d’huile dont il faisait commerce. Il voulut ce jour-là conduire lui-même la charrette sur laquelle il avait placé trois barriques, le chanoine occupant celle du milieu. Aux portes de Lyon, un agent voulut contrôler le chargement et sonda la première barrique, il se contenta de frapper la seconde à l’endroit où, par bonheur, le chanoine appuyait son dos, ce qui lui fit rendre le son mat d’un tonneau plein, on en resta là et l’aubergiste en fut quitte pour la peur de sa vie. Messire Revel resta quelque temps à Millery (entre Vienne et Lyon) mais le 5 juin 1793, le Comité de salut public de Draguignan, exerçant son implacable surveillance, alertait la municipalité de Millery. Alexandre Granon assura alors le retour du chanoine à Villecroze en le dissimulant toujours avec le plus grand soin. Toutes ses épreuves vinrent à bout de la résistance de Messire Revel qui mourut peu après. Par précaution, on l’enterra dans une cave qui avait été un des cachots du château de Villecroze, où ses restes reposaient encore à la fin du XIXème siècle. C’est dans une chambre qui l’avait hébergé que naquit le 11 avril 1825 Louis Granon qui dut à ses mérites et au témoignage de sa famille d’être appelé au sacerdoce : c’est lui qui, alors curé de Cuers, donna le récit de ces évènements qu’il tenait précieusement des siens.