« Je crois en un seul Dieu, le Père »

 

Avoir une attitude subjectivement juste à l'égard de Dieu ne suffit pas si elle ne me met pas en rapport avec la vérité de ce qu'il est.
Ce que je peux dire de lui est important - essentiel même - puisque sans cela je reste enfermé dans ma propre conception d'un Dieu qui n'est pas Celui qui est, qui veut entrer en rapport avec moi et, par là, me sauver.

 

Dieu père ?
L'image de la paternité a souvent été attribuée à la divinité, y compris dans les mythologies de l'antiquité, pour les divinités masculines bien sûr, et les plus importantes, qui sont comme l'ébauche de la figure authentique de Dieu («Zeus-père»). (on reviendra sur l'image improbable d'un « Dieu-mère »)
Dans le monothéisme, la paternité pose un problème : Dieu étant unique de qui peut-il être le père ? Alors, pour les Juifs, il est père par l'acte créateur (nous le verrons), il est aussi le père du peuple d'Israël ; cette paternité ne s'applique pas, en effet, de façon personnelle aux individus mais à l'égard de l'ensemble des fils d'Abraham : tout au plus, Dieu est père du roi d'Israël.
A la paternité, qui est une constante dans l'image que l'homme se fait de Dieu, comme le résidu de ce qu'il a pu connaître de lui au temps de la Création, sont associées les notions d'origine et de puissance. La Révélation de l'Ancien Testament la corrige en y ajoutant encore celle de l'amour. Alors on voit apparaître Dieu comme « Père des pauvres ».

 

Dieu, le Père de Jésus
Mais c'est d'une manière toute particulière que Dieu se révèle Père dans l'enseignement du Christ, qui conduit à découvrir la relation unique qui le relie à lui et éduque l'humanité à entrer dans la notion inouïe de Trinité. Rapport étroit entre le « Père » et le « Fils », qui lui permet d'employer le mot familier « Abba » (papa).

 

Dieu notre Père
La Trinité ainsi révélée nous montre un amour qui peut être éternel sans être narcissique, puisqu'il est circulation d'amour entre « Personnes » divines qui ne sont qu'un seul Dieu. C'est de cet amour que naît l'être humain. Par l'humanité de Jésus-Christ, la créature est invitée à entrer dans une relation filiale, comme « fils adoptif » dans le Christ, et à bénéficier de cet amour divin.
La prière du « Notre Père » enseignée par Jésus nous permet de reconnaître en Dieu celui qui est notre origine, notre providence et dont l'amour nous conduit là où nos propres pas seraient incapables de nous mener.

 

Dieu est Père. Toute la Création peut le dire, reconnaissant en lui son origine, sa Providence et son guide.
Jésus-Christ peut le dire d'une façon unique, vivant de cette filiation éternelle qui lui fait partager sa nature même.
Les hommes peuvent aussi le dire d'une manière particulière quand, ayant été incorporés au Christ par le baptême, ils ont droit - dans le Christ - au même héritage : la vie éternelle qui déjà resplendit en eux.

 

Parlant de Dieu, nos mots et nos réalités sont impuissants à exprimer de façon adéquate ce qui, par définition, nous échappe. Nous ne pouvons parler de lui que par « analogie », c'est-à-dire qu'en évoquant les réalités de ce monde, nous sommes en mesure de dire quelque chose du monde spirituel. Quand nous parlons de paternité, nous y associons les notions d'origine, d'autorité, de puissance, d'amour, de responsabilité et tant d'autres choses ; certains aujourd'hui considèrent ces éléments comme complètement culturels : paternité/maternité, le dualisme homme/femme lui-même seraient des clivages artificiels qu'il serait urgent de gommer...

 

Jugement en partie vrai, dangereusement faux pour l'essentiel. Pourquoi ne pourrions-nous pas appeler Dieu « mère », faisant référence notamment à sa tendresse, qualité souvent liée à la féminité ? Le prophète Osée le suggère, saint Jean Chrysostome appelait Dieu "Père de tendresse, médecin des âmes, mère et ami affectueux...", le pape Jean-Paul Ier s'exprimait aussi sur ce sujet le 10 septembre 1978 : « Nous sommes de la part de Dieu objet d'un amour sans faille. Nous le savons : il a toujours les yeux ouverts sur nous, même lorsqu'il nous semble qu'il fait nuit. Il est papa ; plus encore il est mère. Il ne veut pas nous faire du mal. Il veut seulement notre bien à tous. Si par hasard les enfants sont malades, ils ont un titre de plus à l'amour de la maman. Et nous aussi, s'il nous arrive d'être malades de méchanceté, d'avoir quitté la bonne route, nous avons un titre de plus pour être aimés du Seigneur. »

 

Quoi qu'il en soit de cette fonction paternelle ou maternelle de Dieu, elle nous constitue enfin dans une relation fraternelle entre nous. De la paternité divine découle l'impératif fondamental d'une vie authentiquement fraternelle entre les membres de l'Eglise, comme un ferment au cœur de l'humanité invitée, à travers elle, à découvrir sa communion d'origine et de destin et la puissance de l'amour.
Un formidable défi pour chacun de nous !