« Pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel. »
Les aspirations spirituelles de l'humanité se sont exprimées dans diverses affirmations cultuelles : les multiples religions. Si l'Esprit de Dieu a pu les inspirer et les orienter implicitement, c'est au peuple d'Israël seul que Dieu a réservé, dans sa pédagogie, la révélation de ce qu'il est et de son projet pour l'homme. Or l'Ancien Testament conduit et culmine dans cet événement inouï de l'Incarnation : Dieu, qui est esprit, se fait homme, devient chair.
Pourquoi un pareil renversement ? Celui que les anges adoraient dans les cieux accepte d'être circonscrit dans le temps et dans l'espace et les puissances célestes, désormais, tournent leur regard vers la terre où repose leur Créateur.
Cela, pour nous sauver et nous réconcilier avec Dieu.
« Malade, notre nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ; prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là étaient-elles sans importance ? Ne méritaient-elles pas d'émouvoir Dieu au point de le faire descendre jusqu'à notre nature humaine pour la visiter, puisque l'humanité se trouvait dans un état si misérable et si malheureux ? » (S. Grégoire de Nysse). Accepter la notion de salut implique la reconnaissance de notre état de perdition. « De quoi ai-je à être sauvé ? » se dit l'homme moderne qui vit dans l'illusion d'être le maître de tout ? Tout au plus, la mort corporelle reste la seule limite qui s'impose à lui. A elle seule, notre « sœur la mort corporelle », selon les mots de saint François d'Assise, nous redit que nous sommes vulnérables : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Mort corporelle à qui nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ; heureux ceux qu'elle surprendra faisant ta volonté, car la seconde mort ne pourra leur nuire. » Ainsi, plus dangereuse encore que la mort corporelle, nous menace la mort spirituelle, la « seconde mort » à laquelle je dois échapper. Quel risque comporte-t-elle ? D'où me vient cette malédiction qui pèse sur moi alors qu'on me dit que Dieu est bon et qu'il m'aime ? Tel est l'enjeu de la question du péché originel.
Ce salut implique l'idée inverse d'une « perdition ».
Que signifie-t-elle ? La disparition dans le néant ? La réincarnation dans une condition inférieure ?
L'Evangile est clair et constant : l'être humain est le composé unique d'un corps et d'une âme : changer de corps ou changer d'âme signifierait changer la personne même, or chacun a devant lui une destinée éternelle, qui est la sienne et dont il peut seulement modifier la destination.
Reprenant cet avertissement du Deutéronome :« Vois : je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur.» (Dt XXX 15), le Christ nous avertit : « Elle est grande, la porte, il est large, le chemin qui conduit à la perdition ; et ils sont nombreux, ceux qui s'y engagent. Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent. » (Mt VII 13-14).
C'est la grande affaire de notre vie : l'usage de notre liberté, condition nécessaire pour être capable d'aimer. Le risque est à la hauteur de la dignité à laquelle Dieu a élevé l'homme, le plaçant au sommet de sa création.
Pour autant, l'angoisse n'a pas de place dans le cœur de celui qui sait que : « Pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel. ». En la personne du Christ qui s'est déclaré lui-même la porte : « Moi, je suis la porte. Si quelqu'un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. » (Jn X 9) et le chemin : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » (Jn XIV 6), en sa Personne, tenant sa main, mettant sa foi en lui, le croyant sait qu'il n'a rien à craindre. Il ne lui est pas demandé de conquérir le Ciel mais de se laisser guider vers lui, par le Christ, avec le Christ, dans le Christ.
Voilà pourquoi l'image du Bon Pasteur constitue une des meilleures illustrations du rapport entre le fidèle et son Dieu, entre l'homme et l'inquiétude de son salut : image de paix et de confiance, de douceur et de simplicité.